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La Cave du Théâtre
La Cave du Théâtre
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11 mars 2024

Visite au domaine Henri Chauvet à Boudes

 

Visite au domaine Henri Chauvet à Boudes

 

 

« Dès ton premier millésime, tu devras frapper un grand coup » avait dit Chave à Laurent Vaillé selon la légende. Les premiers vins d’Henri étaient encore dans les fûts que les collègues nous prévenaient déjà : « Allez voir ce qui se passe à Boudes, c’est extraordinaire, mais surtout ne trainez pas, il sera bientôt trop tard ! »

 

En effet, une nouvelle page des Côtes d’Auvergne était en train de s’écrire. Avec le départ à la retraite d’Annie Sauvat et d’Annie Charmensat à Boudes, l’ancienne génération laissait sa place à la nouvelle. Et avec tous les jeunes vignerons qui s’installent en 2022 et 2023 en « bio tendance nature » pour schématiser, Henri se retrouve, sans rien avoir demandé, comme chef de file et ambassadeur des nouveaux vins de la région.

 

Henri Chauvet a racheté le domaine Sauvat en 2021. Il a été formé chez Jérôme Bressy (Gourt de Mautens) et Thierry Allemand où en plus d’acquérir une grosse expérience à la vigne et en cave, il a pu construire son futur réseau de distribution. Henri est surtout un grand amateur de vin, qui a rendu visite à quasiment tous les bons vignerons dans toutes les régions de France.

 

Disons-le d'emblée : dès les 2021, les vins ont atteint un niveau que l'on n'avait encore jamais vu dans la région. Les 2022 et 2023 sont encore meilleurs, et nul doute qu'avec tout ce qui est mis en place les millésimes suivants vont encore progresser. Ils combinent pureté, fruité, gourmandise, précision, profondeur et surtout expression du terroir comme je l'ai rarement vu sur fût, toutes régions comprises.

 

C'est qu'Henri se donne les moyens de ses ambitions. A chaque étape, il choisit ce qu'il y a de mieux : meilleurs tonneliers, massales de chez Bérillon (6€ HT le plant !), bouchons Francisco Sagrera comme ceux de la Romanée-Conti par exemple, travail au cheval sur 7ha pour le moment avec 2 prestataires (6000€ / ha), greffe en place pour une partie, 4 employés en hiver et 8 au printemps (10 en comptant le labour au cheval), nouveau chai, étiquettes de Jules Maillard, bio et levures indigènes bien sûr, etc... Il se pose aussi des questions sur ce qui pourrait lui permettre de progresser encore plus, demande conseils aux meilleurs (Valette, Ganevat, Allemand...) sur les questions de la biodynamie, des semis, du soufre volcanique, de l'inertage... Il n'est pas fermé sur ces questions mais tout sera minutieusement expérimenté avant d'être appliqué.

 

Le domaine est entièrement sur Boudes. Il fait environ 10 hectares (6 de gamay, 3 de pinot et 1 de chardo) auxquels il faudra ajouter les plantations de 2023 : 0,5ha de syrah sur échalas à haute densité et 1 ha de cabernets francs avec quelques cabernets sauvignons et quelques clairettes à 600m d’altitude sur une coulée de basalte. L’an prochain il faudra aussi ajouter deux belles parcelles en luzerne depuis plusieurs années qui viennent d’être défrichées afin de planter en tout 1,5ha de blanc en complantation (Savagnin, chenin, maccabeu, roussanne, vermentino, chardonnay et sauvignon sont réservés chez Lilian Bérillon). Et un projet encore plus ambitieux est en cours. L'idéal pour lui serait d'arriver aux alentours de 12ha.

 

Le domaine était autrefois en conventionnel, avec beaucoup de produits chimiques et de gros rendements, mais Annie Sauvat avait entrepris un début de conversion vers le bio depuis 5 ans environ. Il y avait donc du mieux, ce qui permettra à Henri de gagner du temps. S'il faut retravailler les sols, la taille, etc... il a notamment pu récupérer une majorité de vieux gamays d'Auvergne sur de beaux terroirs.

 

 

 

Un tour dans les vignes

 

On commence par le coteau historique, à la sortie du village. Expo sud-ouest. Sélection massale de pinot noir de Pommard sur porte-greffes SO4. Entre les bâtons au premier plan, un porte-greffe américain (le 140) prêt à être greffé sur place. Ces pinots rentrent dans la cuvée Vie Ordinaire. Tout au fond à gauche les chardonnays de la cuvée A fleur de peau. Entre les deux la parcelle de gamay De cendre et d'âme. Les terrasses tout en haut appartiennent au domaine Pelissier. Tout est taillé en guyot-poussard désormais (sauf les syrahs sur échalas qui sont en gobelets) et non plus en guyot simple, avec une taille douce, de "bon sens".

 

 

Toujours le coteau historique, mais à l'entrée du village. A gauche les gamays de Tout là haut, à droite une autre parcelle de pinot noir.

 

Sur le coteau historique, au centre. Plantations de cabernet francs. Des massales de Trotanoy, Vieux certan, quelques Loire aussi, achetées chez Bérillon. Environ 600m d'altitude donc au-delà de la limite de l'AOC ! Là aussi sols volcaniques, exposition sud.

 

Plantation des syrahs sur échalas (pour une meilleure photosynthèse et donc une meilleure maturité), juste en dessous des cabernets francs. Ce sont des massales de chez Clape et Chave achetées chez Bérillon. Densité 8600 pieds/ha environ, 1,40m * 1m. Les porte-greffes sont variés sur les nouvelles plantations.

 

Toujours le coteau historique exposé sud, à peine à droite et sous les syrahs, le cœur de la parcelle de pinot noir qui rentre dans Vie ordinaire. Sur notre gauche il y a de nombreux genévriers et églantiers. Ont-ils une influence sur les aromatiques ? Ici 1,6ha sur basalte, un peu de marnes rouges à gauche, plus calcaire sur notre droite.

 

 

Cette fois-ci on passe de l'autre côté du village, sur le "plat", nous ne sommes donc plus sur le coteau volcanique, mais sur des argiles rouges reposant sur un bloc calcaire. Ici les gamays de la cuvée Rouge. Il y a environ 70% de vieux gamays d'Auvergne et 30% de gamays beaujolais, ce dernier est mûr quinze jours plus tôt ! Pour le moment juste un peu d'engrais organiques, les sols sont dans une phase de repos, de "remise à zéro" après laquelle Henri essayera divers semis et engrais verts.

 

A peine plus loin, la parcelle des chardonnays de Froussard, quelques pinots à gauche et quelques gamays à droite et sous la cabane, qui entrent dans la Huppe. Sols très différents, ici granit décomposé en sous-sol avec quartz, feldspath et mica et argiles rouges en surface.

 

 

 Les millésimes

2023 : Année marquée par une très forte sécheresse, à Boudes pire qu'ailleurs dans les Côtes d'Auvergne.... Au final de très petits rendements. Henri a eu peur de friser la catastrophe, il a du coup acheté un peu de raisin (même si le négoce ce n'est pas son truc, mais quand on n'a pas le choix...) Il s'en sort tout de même avec presque 30hL, "inespérés" juste avant les vendanges où il pensait avoisiner les 10hL. Par contre une bonne partie des nouvelles plantations de mai est morte de la sécheresse, il va falloir recommencer... Un gros tri a été fait : toute une parcelle de pinot noir a été laissée au sol ! Les vins s'annoncent cependant frais avec des ph qui sont restés étonnamment bas, un peu à mi-chemin entre 2022 et 2021 (un peu plus proche de 2022 tout de même) au sens où il y a encore plus de profondeur que dans les 2022, encore plus de tension, et légèrement moins de rondeur. 

2022 : un printemps très sec mais de l'eau est finalement tombée l'été. Un millésime "caviar", comme Henri a rarement vu même dans le Rhône, l'état sanitaire était parfait. Le millésime a donné des vins déjà très accessibles, avec de beaux volumes, plus en rondeur que les 2021. Un côté "sexy" sans manquer de fond pour autant sur les beaux terroirs. Les ph étaient paradoxalement plus bas que sur les 2021.

2021 : millésime très pluvieux, frais. Afin de bien comprendre tous ses terroirs Henri avait vinifié et commercialisé les vins parcelle par parcelle. Le millésime a donné des vins de garde, très marqués par la grappe entière, sur la tension, avec moins de volume et moins de rondeur que 2022, mais les vins ont beaucoup de profondeur. Un millésime pour amateurs avertis.

 

Henri chauvet

Les 2021 et 2022 on été vinifiés au domaine Sauvat (ci-dessus), les 2023 dans le nouveau chai (ci-dessous) : vinifications au rez-de-chaussée, élevages et stockage au sous-sol.

 

 

 

Les 2023 sur fût (passage fin 2023 + quelques compléments de mars 2024)

 

 

Toutes les malo sont déjà finies. Quelques fûts sont encore en fermentation alcoolique avec un peu de sucres. Tout est en grappes entières. Pas de collage ni de filtration. Très léger sulfitage si vraiment nécessaire à la mise en bouteille. Mise avec vide d'air. Pas de "cuvées de printemps" sur les 2023, les élevages vont être prolongés, probablement jusqu'à début 2025.

 

 

Vie Ordinaire pinot noir : (sur un vieux Seguin Moreau 300L) superbe jus, racé, mûr, avec de la concentration bien équilibré par une haute acidité. Ca donne le ton des 2023 d'entrée.

 

Abrupts 1er lot sur basalte et marnes bleues : (sur un Seguin Moreau. Expo est) ça tire sur la syrah, poivré, avec une grosse allonge. Equilibre superbe avec un 14 d'alcool et un pH autour de 3,3. Vraie impression de vin terroir avec beaucoup de fond déjà. Un côté umami en finale comme souvent dans les vins d'Henri sur les sols volcaniques.

 

Abrupts 2e lot sur basalte et marnes rouges (sur un Rousseau 500L un peu plus récent. expo sud sur le coteau historique) fait plus gamay, plus en largeur, très baies sauvages. A peine plus d'alcool que le précédent, pourtant on aurait plutôt dit le contraire.

 

Si possible l'élevage durera 18mois, mais à voir avec le temps... Les deux seront probablement assemblés, à confirmer aussi. En 2023 malo en fût (pas comme 2022)

 

De Cendre et d'âme 1er lot 70%gamay/30% pinot : (parcelle vinifié en dehors d'Abrupts cette année car expo Ouest et sols basalte et calcaire plus "féminin et plus crayeux") Goûté sur un vieux fût François Frères, très typé pinot, plus serré, tout en allonge, 13% d'alcool ici.

 

De cendre et d'âme 2e lot  100% gamay : (sur un fût Taransaud) plus réduit, plus typé gamay, plutôt 13,8% alc., plus en largeur même si on retrouve cette finale crayeuse. Les deux devraient bien se compléter. Volatile "naturelle" assez haute à l'analyse mais qui ne se sent pas du tout, allonge le vin, comme souvent chez Henri.

A voir désormais si après élevage les Cendre et d'Ame iront ou non dans Abrupts....

 

Au chant de la Huppe : (argile rouge, calcaire, granit rose. Que du gamay cette année, les pinots ont été laissés par terre car trop confits) Fait gamay fruité, un peu moins en place ce jour-là, semble avoir plus d'acidité, ce qui n'est pas le cas à l'analyse, sûrement moins de volume.

 

Au chant de la Huppe sur le foudre 35HL : l'élevage est plus marqué, plus large, moins d'acidité. une touche végétale aussi ici. Les deux devraient bien se compléter.

foudre 35hL

 

 

Abrupts vendangés 15j plus tard : (à 15,5-16°, à la Bonneau !) dans un fût neuf Rousseau, il reste 10-12gr de SR, très concentré bien sûr, mais il y a de l'acidité derrière, à voir... En mars encore un peu de sucres, le bois le marque encore un peu (c'est bien le seul chez Henri) mais la bouche s'est bien affinée. Dans l'assemblage il fera du bien.

 

Négoce Carignan du Roussillon : (vignes de 95ans entre Lézignan et Minervois, en biodynamie. Henri a été vendanger lui-même, tôt) 14% d'alcool, grappe entière, même acidité que les gamay, un Carignan très fin, tendu, sanguin, racé, pas du tout confit. Incroyable. En mars un peu plus réducteur, dans une phase plus compliquée.

 

Négoce Carignan en rosé de saignée : encore 50gr de SR dans la cuve, à voir, mais ce sera un rosé de table en tout cas.

 

Négoce pinot noir de S... : acheté à des personnes de confiance, joli nez floral, pivoine, mais bouche maigre, étriquée et finale du coup serrée, mais à voir dans quelques mois, sera sûrement très floral et fin, par contre moins de volume et sera assez simple par rapport à tous les autres vins. Quand on sait que c'est 7* le prix du précédent à l'achat... En mars il s'est détendu, semble moins étriqué, en bonne voie.

 

Froussard : (chardo sur argiles rouges et granit rose) que du fût en 2023, goûté sur un Rousseau, reste 1gr de SR, fait un peu Rhône nord avec du volume, assez mûr, 13,5%, pas une grosse tension. Henri réfléchit à tenter un Vin de Voile sur quelques fûts... Regoûté en mars il a déjà gagné en tension, comme lui a dit Ganevat ce sera un grand vin mais il a besoin de 2ans1/2 voire 3ans d'élevage.

 

Macération 2023 : (goûté à 6 semaines, le "pire" moment nous dit Henri car c'est là le plus amer. Passé ce pic, ça va redescendre. Fera entre 3 et 6mois de macération) Réduction fumé, en effet très amer, gentiane, quinine, mais une certaine finesse, et du peps, intéressant à table.

 

 

En bouteille

 

Vie ordinaire 2022 : pinot noir incroyable, fraise écrasée, figue, un peu fumé lardé, anchois, orange et pêche confiturés. Texture très soyeuse, semble très ouvert, un peu exubérant, mais en même temps peu élevé en alcool et assez frais, finale acidulée. Me rappelle les meilleurs Rajat Parr ou certains pinots de Baden. Exceptionnel.

 

Abrupts 2022 : joli gamay, bien sûr plus sérieux derrière le pinot, fruits noirs, notes fumées et minérales de terroir, pointe racinaire, à aller chercher, mais beaucoup de fond, probablement plus de longueur, avec une grosse tension salivante, de l'umami, à carafer mais il peut déjà s'approcher, tannins fins, très propre, pas de bois ressenti. TB++.

 

 

 

 

Fiches techniques des 2022

 

À fleur de peau 2022 - 100% chardonnay (magnum) : Une toute petite parcelle d’un peu plus de 20 ares avec des vieux chardonnays dans une très forte pente à la sortie du village. Une dominante de basalte plus ou moins décomposé avec des calcaires fractionnés. 1 semaine de macération en grappes entières puis un pressurage pneumatique très long. 9 mois d’élevage dans des vieux fûts de 400 l et de 228 l. Non levuré - Non débourbé - Non bâtonné - Non collé - Non filtré. 1,5 g/hl de soufre à la mise comme les suivants car les bouteilles allaient être déplacés de l’ancien chai vers le nouveau.

 

Froussard 2022 - 100% chardonnay : Une parcelle située dans un hameau très proche de Boudes avec des vieux chardonnays issus d’une sélection massale bourguignonne. Une dominante d’argile rouge très riche en oxyde de fer avec une décomposition minérale granitique. Les raisins ont été directement pressé (pas de foulage). 9 mois d’élevage dans des fûts neufs de 500 l (50%) et des vieux fûts de 228 l (50%). Il s’agit de bois de la forêt de Tronçais qui ont subi un séchage long (36 à 48 mois) avec une chauffe très légère. Tonnellerie Rousseau. Non levuré - Non débourbé - Non bâtonné - Non collé - Non filtré. 

 

Rouge 2022 - 100% gamay (Ensauvagés en 2021) : Une parcelle composée essentiellement avec des vieux gamays d’Auvergne et des gamays beaujolais. On peut également trouver quelques autres variétés de gamay en quantité limitée. Une dominante d’argile rouge très riche en oxyde de fer avec un bloc calcaire affleurant. 12 à 15 jours de macération en grappes entières dans des grandes cuves en inox. Uniquement des remontages au seau pour mouiller le chapeau. 9 mois d’élevage dans des vieux fûts de 300 l et de 228 l. Non levuré - Non collé - Non filtré. 

 

Vie ordinaire 2022 - 100% pinot noir (Entre chien et loup en 2021) : deux parcelles : une grande parcelle dans le cœur du coteau historique du village avec une dominante très volcanique et une petite parcelle avec le soleil levant où il y a des restes de bombes volcaniques et des marnes bleues. 12 à 15 jours de macération en grappes entières dans des grandes cuves en inox. Uniquement des remontages au seau pour mouiller le chapeau. 9 mois d’élevage dans des fûts neufs de 500 l (35%) et des vieux fûts de 228 l (65%). Bois de la forêt de Tronçais qui ont subi un séchage long (36 à 48 mois) avec une chauffe très légère. Tonnellerie Rousseau. Non levuré - Non collé - Non filtré. 
 

Abrupts 2022 - 100% gamay (Tout là-haut, Envol et De cendre et d'âme en 2021) : assemblage de tous les plus beaux terroirs de gamay du coteau historique de Boudes (dans des très fortes pentes). Le basalte règne en maître avec différents types de marnes (essentiellement, elles sont bleues). 4 semaines de macération en grappes entières dans des grandes cuves tronconiques en bois. Quelques pigeages aux pieds (un pour lancer la fermentation, un pour consolider la bonne cinétique fermentaire et un pour extraire les plus beaux éléments des raisins). 9 mois d’élevage dans des vieux fûts de 300 l et de 228 l.

 

+ 3 cuvées de printemps : Au chant de la Huppe gamay-pinot (auparavant A l'aube), Contre-Nature gamay, et Qui sait ? gamay en blanc de noirs tranquille - la partie en vin effervescent est encore sur lattes.

 

Un grand merci à Henri pour les visites et les dégustations. Vivement la suite !

 

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